dimanche 1 février 2015

La comédie à l'italienne

Introduction

            ° Qu'est-ce que la comédie ? Quelle différence entre le cinéma dramatique et le cinéma comique ?

        Pour expliquer la différence entre la comédie et le drame, prenons l'exemple d'un homme qui marche dans une rue d'un centre-ville. A un certain moment, il trébuche et tombe. Quelles seront ses réactions et quelles seront nos réactions ?

 a) L'homme est vieux et seul, il a une vie de souffrances et de douleurs sur les épaules, comme l'Umberto D dans le film de Vittorio de Sica. Il est tombé parce qu'il 
est vieux, parce qu'il a faim, parce que la société dans laquelle il vit ne lui a pas donné ce dont il avait besoin pour survivre. Quelques passants s'arrêtent, vont à son aide ; mais l'homme se relève, il est très mal. On entend une musique triste (dans le film), quelques personnes pleurent parmi les passants. Beaucoup de spectateurs sont restés touchés par ce film, peut-être que certains ont donné de l'argent à des SDF dans la rue en sortant du film. Cette scène est une scène de cinéma dramatique. 

  b) L'homme qui tombe est un homme très élégant, d'âge moyen, probablement un grand avocat ou une personne ayant une haute position sociale. Il a trébuché sur une de ces peaux de banane qu'il y a dans certains films. Il tombe près d'une route lorsqu'une voiture l'éclabousse. L'homme est totalement trempé. L'homme élégant était sur le point d'aller à un rendez-vous d'affaires. Il ne s'est pas fait mal mais comment va-t-il aller au rendez vous avec des vêtements si sales ? Nous spectateurs, nous rions et nous rirons encore plus si d'autres personnages participeront à la blague ou s'il devait se balader en ville en caleçon. C'est une scène humoristique.

   c) L'homme sui tombe est un homme quelconque, normal, moyen. Il tombe, ne se fait pas mal, se relève directement avec un léger sourire. Le spectateur rit, mais sans avoir un rire très important parce que la même chose aurait pu arriver au spectateur qui rigole. C'est également une scène de comédie mais une scène peu divertissante.

  
      Il n'est pas facile de déterminer avec exactitude et avec une clarté absolue une comédie cinématographique ; mais l'homme qui tombe peut nous venir en aide : la comédie est un moyen, moyen selon lequel il y a la vertu selon Aristote. C'est quelque chose qui fait quasiment pleurer et qui préoccupe, mais seulement pendant un moment ; qui fait rire, mais pas trop et qui nous invite à réfléchir. Pour définir la nature d'un film, il faut analyser si c'est un film dramatique ou bien un film comique.
      Une comédie est un film dans lequel les éléments humoristiques prévalent sur ceux qui sont dramatiques. Mais attention, ceci n'exclut pas que dans les films dramatiques, il puisse y avoir des scènes comiques et que dans les comédie (spécialement les comédies à l'italienne) apparaissent des éléments dramatiques. Prenons deux exemples : 
    Le premier, celui de Rome Ville Ouverte de Roberto Rossellini. Dans ce film, jugé comme un des principaux films néoréalistes et dramatiques, il y a une scène, juste avant qu'Anna Magnani meure où Aldo Fabrizi donne un coup à une vieux malade. C'est typiquement une scène comique. Pour autant, Rome ville ouverte est un film dramatique car les scènes dramatiques prévalent sur les scènes de comédie.
    Le second, celui du Fanfaron de Dino Risi. Ce film est considéré comme un chef-d'oeuvre de la comédie à l'italienne. Pourtant, le film se conclut de manière tragique avec la mort d'un des deux protagonistes (Jean-Louis Trintignant). Néanmoins, le film reste un film comique car les éléments du comique sont bien plus nombreux que les éléments tragiques et dramatiques.

       En reprenant l'exemple de l'homme qui tombe dans la troisième hypothèse et que les gens ignorent, car la situation ne fait pas vraiment rire, imaginons que l'homme s'exclame :"Je vais tomber à nouveau dans un instant." Il tombe à nouveau mais les gens l'ignorent encore et lui marchent dessus car il ne les fait pas rire. L'homme s'exclame :"Quelle belle société ! Si tu tombes, les gens te marcheront dessus !". Le spectateur rit un peu au début et énormément après. L'homme sait qu'il vient de mettre en évidence une vérité à ses dépends. C'est une scène qui est à la fois comique et dramatique, c'est une scène de comédie à l'italienne.


           ° "Comédie italienne" ou "Comédie à l'italienne" ?

        La "comédie italienne" fait référence aux comédies produites en Italie quelque soit la période pendant lesquelles ces comédies ont été produites alors que la "comédie à l'italienne" fait référence à cette époque de la comédie en Italie qui va de 1958 à 1980 avec ses traits spécifiques qui seront analysés.
        En Italie, les idées de "comédie italienne" et de "comédie à l'italienne" sont parfois très mal reçues. Les Italiens assimilent souvent la "comédie à l'italienne" à la routine, aux compromis, au laisser-aller qui caractérisent les Italiens pour les étrangers et pour les Italiens eux-mêmes. Cette expression était même utilisée par les critiques pour caractériser des films sans aucune idée politique ou artistiques, autrement dit des films sans grand intérêt. Pour Laurence Schifano :"Les genres populaires et en particulier la comédie éveillent encore aujourd’hui une méfiance esthétique et morale. (…) La comédie est moins une trahison que la continuation naturelle du néoréalisme ; quant aux artistes les plus novateurs, ils puisent dans le théâtre et même dans la farce pour renverser les frontières et les cadres trop étroits où risquerait de vraiment mourir le cinéma." Les critiques de ce genre sont toujours les mêmes (manque de profondeur, vulgarité, manque d'intérêt). Pour beaucoup, la comédie aurait moins de valeur que le drame.
         Le courant de la "comédie à l'italienne" tend à dépasser cette dichotomie entre la comédie et le drame en associant pleinement les deux et en ayant les résultats espérés.



           ° La différence entre la comédie à l'italienne et le néoréalisme rose
      Appartenant tous les deux à la comédie italienne, comment différencier le néoréalisme rose et la comédie à l'italienne ?

     ° Le néoréalisme rose : il naît sur les cendres du néoréalisme italien au début des années 1950 avec notamment la trilogie des Pain amour de Luigi Comencini et Dino Risi. C'est un genre comique qui prend la suite du néoréalisme dans le sens où il continue la lutte contre les politiques menées contre la démocratie chrétienne à travers la production cinématographique. Le film Umberto D (1952), film appartenant au néoréalisme, de Vittorio de Sica dénonçait le traitement misérable fait aux retraités pauvres au lendemain de la guerre et dans le même temps, le film Toto cherche un appartement (1949), film appartenant au néoréalisme rose a pour but de dénoncer le manque de logement sur un ton comique. Le néoréalisme rose fait suite au néoréalisme car la critique de la démocratie chrétienne ne permettait plus de fait des films néoréalistes sans que la censure sévisse. Giuseppe de Santis parle "d'homicide d'état" pour qualifier la fin du courant néoréaliste pendant que d'autres penseurs estiment que le cinéma néoréaliste est mort naturellement car plusieurs années étaient passées après la fin de la Seconde Guerre mondiale et que ce cinéma avait fait son temps. Les cinéastes italiens décident donc de passer par la comédie pour dénoncer les inégalités économiques et sociales ainsi que tous les maux de la société italienne. Le néoréalisme rose développe une idéologie progressiste et paternaliste dans les luttes en passant par la comédie et en adoucissant les critiques. Le but de ce cinéma est d'arriver à un résultat positif.

     ° La comédie à l'italienne : Elle naît des cendres du néoréalisme rose à la fin des années 1950 et au début du miracle économique italien. Tout comme le néoréalisme rose avait pour objectif de continuer à dénoncer les dérives de la société italienne en souhaitant une amélioration des choses. La comédie à l'italienne reprend l'aspect comique des films néoréalistes roses. Néanmoins, la comédie italienne n'a pas de volonté de changement des politiques menées ou d'ambition de changer la société. Elle souhaite montrer les dérives des Italiens sans y apporter nécessairement de solution. La comédie italienne fait part de ses doutes sur le miracle économique des années 1960 et la possibilité d'un changement politique. Elle est politiquement incorrect et refuse de tomber dans le paternalisme en montrant des gens opprimés ou pauvres. Elle laisse faire une satire sociale des personnages avec une ironie et une farce souvent grotesque. Cette comédie ne veut pas respecter les règles du bon goût et tombe parfois dans le vulgaire pour pousser les choses à l'extrême. Elle apparaît comme beaucoup plus libératrice que le néoréalisme rose.

    Tandis que les personnages du néoréalisme rose représentaient des gens besogneux qu'il fallait aider parce qu'ils étaient bons et que c'était la société qui était mauvaise, la comédie à l'italienne fait le choix de montrer des Italiens mauvais, , cyniques et bouffons sans valeurs morales qui nous mettent mal à l'aise tout en nous faisant rire. Prenons les exemples d'Alberto Sordi incarnant le petit-bourgeois romain hypocrite qui trompe tout le monde (notamment sa compagne dans Les Inutiles de Federico Fellini) et de Vittorio Gassman, le condottiere dans Parfum de Femme (1974).


           ° Le contexte historique en Italie et les débuts de la comédie à l'italienne
                  * Le contexte économique
    L'Italie connaît à partir de la moitié des années 1950 un véritable boom économique, on parle du "miracle italien". Le niveau de vie moyen est en hausse mais les inégalités entre le Nord et le Sud continuent à se creuser. L'Italie du Nord se modernise beaucoup plus vite, ce que les cinéastes italiens étudient à travers les idées de progrès mais aussi les nouvelles "maladies" qui se développent. Le final de la Dolce Vita (1960) de Federico Fellini nous montre l'apparition d'un monstre énigmatique qui est le symbole de la modernité que redoutent les cinéastes.
     Ce développement économique a été grandement remis en question par les réalisateurs italiens de l'époque (création d'une nouvelle classe moyenne inculte, embourgeoisement relatif des ouvriers, explosion des prix de l'immobilier, idée que le développement économique s'accompagne d'une profonde crise de civilisation).

                  * Le contexte politique
     Le contexte politique du milieu des années 1950 permet de comprendre le possible développement de cette comédie à l'italienne et de toute la satire qu'elle comporte. En effet, le milieu des années 1950 est caractérisé par la période du "Dégel" au sein des relations internationales (Election du pape Jean XXIII, "déstabilisation" du Parti communiste italien par Togliatti ou encore le développement du courant réformiste au sein du Parti socialiste italien). Ainsi, l'Italie du milieu des années 1950 jusqu'à la fin de la période de la comédie italienne (et encore après) est caractérisée par un mouvement structurel de libéralisation des moeurs qui a permis la pleine expression des cinéastes de l'époque.
          

         ° Le rayonnement du cinéma italien de la fin des années 1950 à la saison 1975/1976
     Selon l'historien américain du cinéma Peter Bondanella, l'Italie connaît entre 1958 et 1968 son plus grand âge d'or car aucune autre période isolée n'a vu se révéler autant de qualité artistique, de prestige international et de puissance économique. Ce avènement du cinéma italien est à relier à la chute de la production hollywoodienne à partir du milieu des années 1950. De même Cette même production hollywoodienne a rétabli son prestige vers le milieu des années 1970 lorsque le cinéma italien perdait son prestige. Le duel entre les deux industries explique en grande partie le rayonnement puis le déclin du cinéma italien.
     Les recettes sont énormes pour les films italiens, autant à l'étranger que dans le marché intérieur. Entre 1955 et 1976, l'industrie cinématographique italienne produit en moyenne pas moins de 240 longs métrages par an. Le succès de la comédie à l'italienne est telle que même la télévision ne semble pas pouvoir la concurrencer.
     L'aspect le plus révélateur de ce rayonnement est le renouvellement de génération qui amène de nouveaux cinéastes très talentueux. En 1965, l'Etat italien, sous l'impulsion des socialistes, crée une loi pour soutenir les nouveaux artistes du cinéma italien. Cette nouvelle génération de cinéastes a énormément utilisé le modèle des cinéastes de la Nouvelle Vague en France pour prendre des risques et tender des choses nouvelles (exemple d'Elio Petri avec L'Assassin (1961) ou encore Pasolini avec Accattone (1961) ainsi que Mario Monicelli e Pietro Germi avec Le Pigeon (1958) et Divorce à l'italienne (1961).
      Les recettes sont énormes pour les films italiens, autant à l'étranger que dans le marché intérieur. Entre 1955 et 1976, l'industrie cinématographique italienne produit en moyenne pas moins de 240 longs métrages par an. Le succès de la comédie à l'italienne est telle que même la télévision ne semble pas pouvoir la concurrencer. A côté des grandes productions (comme Titanus), il y a des petites maisons de production qui sont souvent éphémères. On en compte 400 entre 1965 et 1970. Leur poids n'a cessé de diminué par la suite.


         I- Les grandes caractéristiques de la comédie à l'italienne
                  a) Les sujets traités par la comédie à l'italienne
                         1- La comédie permet de traiter les heures sombres de l'histoire de l'Italie (Les films du début de la comédie à l’italienne)
      La fin des années 1950 et les débuts de la comédie à l’italienne coïncident avec une libéralisation des moeurs et de la politique en faveur d’une plus grande liberté d’expression. Ainsi, l’ouverture politique permet pour le cinéma d’étudier le passé occulte de l’Italie. 
      La comédie à l’italienne analyse la Première Guerre mondiale et la déroute italienne. La grand film qui retrace l’histoire de l’Italie pendant la Première Guerre mondiale est La Grande Guerre (1959) de Mario Monicelli avec Vittorio Gassman et Alberto Sordi. Ce film retrace, à travers les scènes de bataille filmées anonymement par Blasetti, la déroute italienne et les conditions de vies difficiles à travers un aspect comique.
     Les premiers films à traiter du fascisme sont réalisés au début des années 1960 (All’armi siamo fascisti commandité par le parti socialiste en 1961 ou encore Le Général de la Rovere en 1959 de Vittorio de Sica avec Roberto Rossellini). Au sein de ces films, les cinéastes italiens évoquent aussi la résistance au fascisme comme Rossellini avec Les évadés de la nuit (1960) ou alors Un giorno da leoni (1961) de Nanni Loy.
     Les films de la comédie à l’italienne reviennent également sur les luttes fratricides qui ont eu lieu en Italie pendant le fascisme ainsi qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ces luttes sont portées à l’écran par de nouveaux cinéastes (tel Lizzani qui montre la trahison de du comte Ciano que son beau-père a fait juger et fusiller en 1944 dans Le Procès de Vérone). L’état de l’Italie pendant la débandade de la Seconde Guerre mondiale est également évoquée (Dans le film La Grande Pagaille de Luigi Comencini où Alberto Sordi, ne recevant plus d’ordre retourne à Naples et observe le chaos qui règne en Italie).
     Le film le plus représentatif de la comédie à l’italienne qui retrace l’après-guerre en Italie jusqu’au début des années 1960 est Une Vie difficile (1961) de Dino Risi. On y aperçoit dans ce film l’histoire d’un homme joué par Alberto Sordi, un journaliste romain lâche qui a vécu la Seconde Guerre mondiale puis la joie de l’avènement de la République en Italie avant d’être profondément déçu par les politiques menées par l’Etat italien dans les années 1950. Ce film est considéré comme un « film-résumé » de l’Italie de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au début des années 1960.

                         2- La comédie à l'italienne étudie également l'évolution de l'Italie pendant le boom économique et le début des années de plomb
     L’étude de la société italienne des années 1960 et le boom économique est moins organisé et structuré que l’étude qui avait été faite par le cinéma italien du passé occulté de l’Italie. Le miracle économique italien est souvent associé à l’American Way of Life qui se développe dans le monde occidental dans les années 1950 et 1960. L’Italie n’échappe pas à ce phénomène d’embourgeoisement de la société. Cette période se traduit en Italie par un mouvement général dans lequel la population cherche à s’enrichir et à accéder (au moins) à la classe moyenne. Cette obsession de l’élévation sociale est au coeur du premier film que les critiques ont considéré comme appartenant à la comédie à l’italienne : Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli. Dans ce film, le spectateur assiste à l’épopée de quatre voleurs minables qui finissent par chercher du travail après avoir raté un cambriolage ; ils n’accèdent donc pas au « miracle italien ». Les cinéastes mettent en évidence le fait que tous les Italiens ne participent pas au miracle économique, il y a des perdants et notamment les italiens méridionaux.
     L’autre élément mis en évidence par la comédie à l’italienne est la critique de cette nouvelle classe moyenne et de cette nouvelle classe bourgeoise qui émerge avec ses excès et son ridicule. On peut citer le film Hier, aujourd’hui et demain (1963) de Vittorio de Sica qui montre dans le deuxième sketch une milanaise, Anna, qui vit sans travailler dans une condition d’extrême richesse sans le mériter et n’en faisant qu’à sa tête. C’est à partir du milieu des années 1960 que la comédie à l’italienne devient véritablement satirique et burlesque face à l’émergence de cette nouvelle bourgeoise qui se complait dans la consommateur et le plaisir sans réfléchir à son existence (citons Le Fanfaron (1962) de Dino Risi avec Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant). Les personnages présentés sont de plus en plus cyniques, amoraux (comme Les Monstres (1963) de Dino Risi interprètes par Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi) et aliénés par la consommation de masse (La Grande Bouffe (1973) de Marco Ferreri avec Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Philippe Noiret et Michel Piccoli).
     Selon Jean Gili, ces films symbolisent : « Le jalon incontestable d’une histoire de l’hystérie italienne ». Ces films s’inscrivent de plus en plus au sein de films à sketch qui montrent une société qui a perdu ses valeurs ainsi que son regard comme dans Parfum de femme (1974) de Dino Risi.  


                  b) L'esthétisme de la comédie à l'italienne
        La comédie à l’italienne trouve sa source dans plusieurs traditions théâtrales qui se sont entrecroisées à partir des années 20 : la commedia dell'arte, dont l'influence reste prépondérante quant à la typologie des personnages et le récit picaresque sur le plan du récit ; les intermèdes comiques du music-hall populaire, très en vogue à la fin de la guerre ; à un degré moindre, la comédie bourgeoise de la période mussollinienne qui ironisait discrètement sur certains travers sociaux ; la comédie dialectale dont les thèmes , les comparses, les référents humoristiques s'inscrivent dans une tradition plus populaire que littéraire et font naître une géographie de l'Italie en enracinant ses histoires dans les régions.
        A juste titre, les années 1960 sont considérées comme l’apogée du genre. Les histoires deviennent plus emblématiques, davantage historiques. Laurence Schifano estime que : «Expression géographique de l’Italie, la comédie en est surtout devenue l’expression sociologique et historique privilégiée. Serviteurs et vaincus d’hier parfois destinés à devenir les maîtres arrogants et creux de demain, les personnages de l’inépuisable comédie à l’italienne reflètent sous leurs masques pitoyables et grotesques le présent et le passé, la société et l’Histoire.» L’attention des auteurs se porte de plus en plus vers les réalités nationales. Les questionnements sont plus profonds, le genre atteint une certaine maturité. Esthétiquement les choses évoluent positivement. Le genre intègre d’autres formes d’expressivité en empruntant aux autres genres. Les années 1970, poursuivent le discours de dénonciation des failles d’une période économique qui a globalement permis l’amélioration du niveau de vie moyen des italiens : le miracle économique. Les auteurs engagés n’hésitent pas à dénoncer l’accroissement des inégalités sociales entre italiens du centre et italiens de la périphérie (les sudici, terme péjoratif désignant les gens du sud qui migrent au nord et qui se regroupent dans la périphérie des grandes villes), et plus généralement entre italiens du Nord et du Sud.
      Les années 1970 confirmeront la dimension de plus en plus critique dont fait preuve la comédie. A partir de la fin des années 1970, l’influence américaine s’impose fortement sur les goûts du public, et la télévision, concentre la production et la distribution des films. De nombreuses salles de cinéma mettent la clé sur la porte. Pour ne rien arranger, de grands réalisateurs décèdent durant cette décennie tragique : De Sica, Visconti, Rossellini et Pasolini.
     


         II- Les grands réalisateurs, les grands acteurs et les grands compositeurs
                  a) Les grands réalisateurs
                        1- La génération issue du néoréalisme et l’arrivée de la nouvelle génération
       La génération de la comédie à l’italienne directement issue du néoréalisme est symbolisée par Vittorio de Sica. Effectivement, le réalisateur italien est passé par trois genres du cinéma entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1970 (le néoréalisme, le néoréalisme rose puis le comédie à l’italienne). Vittorio de Sica a été énormément critiqué par rapport à son passage du néoréalisme à la comédie italienne. Beaucoup de critiques de l’époque ont vu chez lui un appauvrissement du contenu de ses films. Or, ce constat est largement revisité aujourd’hui. On lui attribue même la paternité du néoréalisme rose et les prémices de la comédie à l’italienne avec Miracle à Milan (1951) ou encore L’Or de Naples (1954). Ses films du néoréalisme rose, certes paternalistes, ont peu après donné naissance à l’essence même de la comédie à l’italienne (films à sketch, utilisation de nouveaux personnages comme Sofia Loren dès son film L’Or de Naples (1954).
          A partir du milieu des années 1950, de nouveaux réalisateurs commencent à faire leurs preuves et constituent une nouvelle génération (Fellini, Risi, Comencini, Germi, Manfredi, Monicelli ou encore Ferreri). Cet ensemble de réalisateurs participe le plus souvent au mouvement du néoréalisme rose avant d’entrer de plein pied dans la comédie à l’italienne en 1958 avec Le Pigeon de Mario Monicelli.
                   Il y a 4 réalisateurs qui dominent les années 1960 au sein de la comédie à l’italienne :

        * Vittorio De Sica sort son premier film de comédie à l’italienne en 1962 avec Mariage à l’italienne avant de réaliser un film à sketch Les Sorcières (1966). La particularité de Vittorio De Sica est d’avoir énormément fait jouer Sofia Loren (tous les deux sont napolitains) ainsi que Marcello Mastroianni, de sorte que le couple Loren-Mastroianni a énormément marqué l’histoire du cinéma italien et plus particulièrement celle de la comédie à l’italienne comme dans Hier, aujourd’hui et demain (1963) ou encore Mariage à l’italienne (1962). Son autre particularité est d’avoir lui-même joué dans certains de ses films comme dans L’Or de Naples (1954).
         
   

       * Mario Monicelli, par qui la comédie à l’italienne débute, pose un regard sur l’Italie de la Première Guerre mondiale dans La Grande Guerre (1959) ou encore sur la vanité des intellectuels dans Les Camarades (1963). Il utilise quasiment tous les grands acteurs de la comédie à l’italienne (Alberto Sordi, Marcello Mastroianni, Renato Salvatori ou encore Vittorio Gassman).
           


        * Luigi Comencini a participé au mouvement de la comédie à l’italienne mais ses films les plus notables appartiennent cependant au néoréalisme rose, notamment la série des Pain et amour qu’il a co-réalisé avec Vittorio De Sica et Dino Risi. Ce qui a caractérisé l’activité de Luigi Comencini au sein de la comédie à l’italienne est son utilisation fréquente d’Alberto Sordi dans des tragi-comédies comme La Grande Pagaille (1960) ou encore L’Argent de la Vieille (1972). Retenons deux autres de ses films que sont A Cheval sur le tigre (1961) et L’Incompris (1966).
              

     
           * Dino Risi est le plus satirique et le plus sarcastique dans ses portraits. Les acteurs qu’il utilise sont principalement Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi comme dans Les Monstres (1963) ou encore Au Nom du Peuple Italien (1971). Ses films se penchent sur des sujets à la fois historiques comme La Marche sur Rome (1962) sur la montée du fascisme mais aussi des sujets de l’Italie du boom économique comme Le Fanfaron (1962)  avec Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant.
         
      

                    2- La réalisateurs de la comédie italienne dans les années 1970   
           A partir des années 1970, Comencini, Monicelli, Risi et Scola restent les maîtres du genre. 
         Luigi Comencini réalise de nouvelles oeuvres qui sont bien perçues par le public. Il continue sa critique de la société contemporaine tout en oubliant la fable ainsi que l’histoire (Mon Dieu, comment suis-je tombé si bas (1974) ou encore L’Argent de la vieille (1972) et Le grand embouteillage (1979).
       En ce qui concerne Mario Monicelli, ses comédies trahissent, tout comme chez Comencini, une certaine amertume et un certain dépit de la société italienne. Sa lucidité l’entraine à être plus cruel sur l’Italie de son époque Nous voulons les colonels (1973) ou encore Mes chers amis (1975) et Un bourgeois tout petit petit (1977).
           Pour ce qui est de Dino Risi, c’est celui qui est le plus sceptique et le plus lucide sur la période en question. Il est le plus prolifique et ne cesse de braver les interdits sur la justice dans Le petit juge (1972), sur la condition féminine dans La femme du prêtre (1970), le fascisme dans La carrière d’une femme de chambre (1975) ou encore la vieillesse guerrière suicidaire dans Parfum de femme (1974).
           Enfin, le réalisateur le plus en vue des années 1970 est Ettore Scola. Il réalise les dernières comédies à l’italienne qui resteront dans les mémoires, notamment Drame de la jalousie (1970) ainsi que Nous nous sommes tant aimés (1974) et Affreux, sales et méchants (1976).


                  b) Les grands acteurs
                           1- Le premier grand acteur de la comédie à l’italienne : Toto
          Tout comme Vittorio De Sica, Toto incarne ce passage du néoréalisme rose à la comédie à l’italienne. Toto joue dans les années 1950 dans des films appartenant au genre du néoréalisme rose comme Toto cherche un appartement (1949) , film narrant l’histoire d’un père de famille qui cherche un logement après la guerre pour sa famille. C’est un acteur comique burlesque. Son jeu comique vient en droite ligne de la commedia dell’arte. En évoquant ce passage du néoréalisme rose à la comédie à l’italienne, Toto retient cette persistance de la comédie à travers cette citation : « Je connais par coeur la misère et la misère est le scénario du comique véritable. » 
          Comme il a été dit précédemment, c’est Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli que l’on considère comme le premier film de la comédie à l’italienne. Pourquoi ? Car on voit une nouvelle génération d’acteurs qui vont succéder à Toto (Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Alberto Sordi ou encore Marcello Mastroianni). Dans Le Pigeon (1958), on a 2 de ces 4 acteurs (Mastroianni et Gassman), on voit le passage du relai et dans le film même, Toto apprend aux nouveaux acteurs comment faire des combines et bien faire un casse.

                           2- Les plus grands acteurs de la comédie à l’italienne
          Les trois monstres sacrés de la comédie à l’italienne ont été Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi et Alberto Sordi. De ces trois acteurs primordiaux, on retient surtout le duo Gassman-Tognazzi qui ont joué dans beaucoup de films de Dino Risi. Chacun de ces trois personnages incarne l’italien moyen auquel le spectateur s’identifie fortement.
          Ugo Tognazzi excelle dans des rôles de maris adultères ou trompés comme dans Le Mari de la femme à barbe (1964) ou encore Le Cocu magnifique (1964) et Le lit conjugal (1963) de Marco Ferreri. L’acteur italien interprète généralement des personnages très grossiers qui ont des addictions au sexe. Cependant, les rôles d’Ugo Tognazzi ne se résument pas à cela ; il a par exemple joué le rôle d’un commissaire de police dans le film Au Nom du Peuple Italien (1971) de Dino Risi.
          

          Vittorio Gassman interprète le plus souvent des personnages sûrs d’eux et complètement individualiste et hédonistes. Il incarne la démesure du miracle économique italien et le divertissement qui mène à l’abrutissement comme dans Le Fanfaron (1962). Vittorio Gassman interprète d’autres rôles comme celui de condottiere dans le film Parfum de femme (1974) ou encore le rôle d’un séducteur de femmes qui est capable de tromper la sienne comme dans Les Monstres (1963) de Dino Risi.
              
     
          Alberto Sordi est la représentation du petit-bourgeois romain moyen, roublard qui fait des coups-bas aux autres pour s’en sortir. Il joue souvent le rôle d’hypocrite, vil et hâbleur. Quasiment tous les personnages qu’il interprète sont immoraux et plein de méchanceté, prêts à tout pour arriver à leurs fins. Parmi ses interprétations les plus célèbres, on note celle dans le film Une vie difficile (1961) de Dino Risi où il joue un personnage qui trompe sa femme et prêt à tout pour vivre du journalisme. Dans le film Il boom (1963) de Vittorio De Sica, il interprète un homme riche qui est prêt à tout pour de l’argent, y compris à perdre un oeil pour mener à bien ses projets.

           

                           3- Les autres acteurs de la comédie à l’italienne
          De nombreux autres acteurs peuvent être citées parmi ceux qui ont fait la comédie à l’italienne. 
          Prenons l’exemple de Marcello Mastroianni qui est connu pour avoir participé à de nombreux films de Vittorio De Sica dans son association célèbre avec Sofia Loren comme dans Hier, Aujourd’hui et Demain (1963).
                 
  
          On peut aussi citer l’exemple de Nino Manfredi et Vittorio De Sica qui partagent le point commun d’avoir à la fois réalisé des films et joué dans leurs films. Pour ce qui est de Nino Manfredi, il incarne souvent des personnages truculents, grotesques, voire monstrueux, il est considéré comme le bouffon de la comédie à l’italienne. En ce qui concerne Vittorio De Sica, représente l’homme suranné, qui vit dans un autre temps et en décalage avec la réalité de son époque.
          Parmi les actrices de la comédie à l’italienne, citons Monica Vitti ou encore Catherine Spaak. Monica Vitti est souvent associée au cinéma de Michelangelo Antonioni même si elle n’a participé qu’à quatre films de lui contre une cinquantaine dans toute sa carrière. Elle fait partie à parti entière de la comédie à l’italienne. Monica Vitti était capable de rivaliser avec les plus grands acteurs de la comédie à l’italienne comme Ugo Tognazzi ou encore Alberto Sordi. Pour ce qui est de Catherine Spaak, elle tient de nombreux rôles auprès du plus grand duo de la comédie à l’italienne, formé d’Ugo Tognazzi et de Vittorio Gassman. Elle participe à de nombreux films, notamment Le Fanfaron (1962) ou encore La Fille de Parme (1963 avec Nino Manfredi.    
                  
         
      Conclusion : La fin de la comédie à l'italienne. Qu'en est-il de la comédie aujourd'hui ?

         A partir de la fin des années 1970, se manifestent les premiers signes d’affaiblissement de la production cinématographique italienne. La tendance se confirme dans les années 1980. La comédie ne peur pas enrayer le phénomène. Pour Jean Gili, «La comédie italienne, capable d’embrasser toute l’histoire de l’Italie depuis vingt-cinq ans à travers celle de son cinéma – comme dans Une vie difficile de Dino Risi (1961) ou Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola (1974) –, a subi de plein fouet la concurrence de la télévision». La télévision a cassé la traditionnelle transmission artistique entre les générations. La production s’est en effet concentrée autour de la télévision publique (La RAI) et de la maison de production de Cecchi Gori. Le public a également évolué et les auteurs ne savent plus répondre aux attentes nouvelles.

1 commentaire:

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