vendredi 27 février 2015

La culture scolaire et les inégalités à l’école


            Introduction
                  ° L’histoire de l’école en France : les trois temps de l’école
                       * Les débuts de l’institution scolaire selon Emile Durkheim
       Selon beaucoup d’historiens de l’école, l’institution scolaire a un parcours linéaire de ses débuts à nos jours. Cette idée est un leurre car l’école au Moyen-Âge, par exemple, n’a absolument rien à voir avec l’école du XXème et du XXIème siècle.
       Emile Durkheim fait partie de ces historiographes de l’école. Il étudie l’institution scolaire à partir d’une vision « germinative », héritée des Carolingiens avec les enseignements sacrés et les enseignements profanes. Pour lui, ce sont les germes de la culture scolaire carolingienne qui sont les germes de la culture scolaire actuelle. Ces historiographes ont comme point de repère Epinal et l’action de Charlemagne mais cette idée est à nuancer.

                       * Le développement de l’école sous l’Ancien Régime et l’invention d’un nouvel âge : l’âge d’enfance
       La scolarisation connait une nouvelle rupture à partir du XVIème siècle. Pour Philippe Ariès, le développement de la scolarisation dans le Royaume de France est intimement lié à la constitution d’un nouvel âge : l’âge d’enfance. En effet, dans les couches supérieures de la société, les conditions de vie s’améliorent et les enfants ont une espérance de vie plus forte. Ainsi, les parents développent des sentiments plus forts par rapport à leurs enfants qui risquent moins de mourir tôt. Le développement s’associe à ce nouvel âge de l’enfance dans les couches aisées de la population. L’enfant a de plus en plus tendance à être retiré du monde adulte pour grandir à la fois seul et grâce à des enseignements plus poussés. Les enfants de milieux aisés prennent de plus en plus leurs distances par rapport à leur famille.
       C’est à cette époque que naît véritablement les relations de pouvoir entre les maîtres et les élèves. Les maîtres ne sont plus des artisans ou des personnes apprennent directement un métier. Ce sont de plus en plus des hommes d’Eglise qui sont les maîtres d’école. Ils enseignent le catéchisme mais surtout, ils apprennent à lire, à écrire et à obéir.

                       * Les débuts de l’école obligatoire sous la IIIème République et la massification scolaire à partir des années 1960     
       Selon Philippe Ariès, il y a une coupure importante dans ce « long processus d’enfermement des enfants […] et qu’on appelle la scolarisation. » qui se situe à la fin des années 1950 et le début des années 1960. En effet, le XVIIème siècle avait vu la primarisation de masse mais le collège et le lycée restaient réservés à une élite. Or, à partir de la seconde moitié du XXème siècle, les couches populaires ont de plus en plus accès à l’éducation dans le secondaire puis dans les études supérieures.
        C’est à ce moment là que la sociologie de l’école nait. Cette sociologie tente de comprendre pourquoi les inégalités persistent à l’école malgré les différents mouvements de démocratisation. La sociologie de l’école est donc une sociologie très récente mais déjà extrêmement riche.
        En définitive, il n’y a pas d’origine précise de l’école. les historiens s’accordent à dire que les véritables débuts de l’institution scolaire contemporaine provient du milieu du XVIIème siècle mais il est impossible d’être plus précis. 

                   ° Le déterminisme en sociologie et ses limites : exemple de la sociologie de l’école avec ses déterminismes
        En sociologie et dans toute science, un lien entre deux choses devient un déterminisme quand il y a une explication en plus des données statistiques et surtout lorsque la cause A entraine la cause B de façon indépendante par rapport aux autres variables. Ainsi, les fils d’immigrés réussissent moins bien à l’école mais il se trouve aussi que 90% d’entre eux sont d’origine étrangère. On voit ici qu’il faut prendre en compte toutes les statistiques et qu’une statistique isolée et non expliquée n’est pas toujours pertinente car il y a d’autres statistiques qui complètent la première.
        Finalement, La trajectoire scolaire est toujours le résultat d’une combinaison de plusieurs types de facteurs. Chaque statistique met en évidence un facteur mais il est quasiment impossible de faire une étude avec l’ensemble des facteurs avec toutes les inter-connexions. C’est pourquoi, au sein de la sociologie de l’école, qu’on se concentre sur un facteur à la fois en voyant ses liens avec les autres et qu’on n’utilise pas plusieurs facteurs à la fois.
        En ce qui concerne la sociologie de l’école, les sociologues étudient différents facteurs. On en distingue alors plusieurs (caractéristiques des familles et des élèves dépendant de la classe sociale ou du sexe ou encore les modalités de l’école elle-même avec la culture scolaire comme le langage, la pédagogie et les savoirs enseignés).

         I- La « culture scolaire »
       D’emblée, la « culture scolaire » apparaît comme quelque chose de subjectif et qui n’est jamais partagé unanimement par les individus. Les guillemets autour de la notion de « culture scolaire » indiquent le recul pris par rapport à cette notion qui, nous le verrons, n’est qu’une construction sociale. Cette construction sociale a beaucoup évolué dans le temps. Pourquoi étudier la « culture scolaire » ? Parce qu’elle renseigne sur les objectifs de l’enseignement ainsi que des personnes qui ont fait les programmes scolaire. Elle renseigne aussi sur les valeurs et les connaissances qui sont socialement valorisées par l’élite qui choisit les objets d’étude au sein de l’école. Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron Ainsi, nous étudierons quelles institutions et quelles personnes ont construit en France au cours de l’histoire la culture scolaire et dans quels buts. Il sera déterminé les objets successivement valorisés par les élites et qui se retrouvent dans cette « culture scolaire ».

                A) Les premières études de la « culture scolaire » en France : l’apport d’Emile Durkheim
       C’est Emile Durkheim qui a été le premier à étudier la « culture scolaire » en France. Il a analysé dès 1904 les idéaux éducatifs et les programmes scolaires en France dans un ouvrage qui est paru après sa mort, L’évolution pédagogique en France (1904). Pour le sociologue français, il y a un lien évident entre les idéaux ainsi que les programmes scolaires et les changements économiques, sociaux et culturels. Il considère qu’il y a eu deux moments clés. Ces deux moments-clés sont le passation de pouvoir entre la noblesse et la bourgeoisie à la Révolution française puis l’effacement de l’Europe chrétienne au profit d’une Europe des individualités et des nationalités à la fin du XIXème siècle.
       L’idée d’Emile Durkheim n’a été poursuivie et développée qu’à partir des années 1970 par l’intermédiaires de sociologues britanniques. Ces sociologues remplacent la notion de « sociologie de la culture scolaire » par la « sociologie du curriculum ». Ils développent deux perspectives prépondérantes liées entre elles que sont la sociologie de la connaissance du curriculum ainsi que la sociologie du pouvoir qui crée ce curriculum.
      
                B) Quelles dimensions et quels enjeux recouvre la « culture scolaire » ?
                      1- Le curriculum n’est qu’une construction sociale
       Pour démontrer que le curriculum est une construction sociale, Emile Durkheim montre en premier lieu que la « culture scolaire » ne correspond qu’à un infime partie des masses de connaissances détenues par une société. Il faut alors faire des choix. Le sociologue français démontre qu’il est plus facile de mettre en évidence le lien entre les enjeux économiques, sociaux ainsi que culturels et le curriculum pour des époques passées car on a plus de recul.

                      2- Les enjeux sont avant tout d’ordre social, économique et culturel
       Ce faisant, Emile Durkheim prend l’exemple de « L’école de la République » à la fin XIXème siècle en France qui a imposé le français pour unifier le pays linguistiquement alors que les trois quarts des français ne parlaient pas français. Le but a donc été d’éradiquer les langues régionales au sein de l’institution française pour unifier le pays linguistiquement. Dans le même temps, l’enseignement de l’arithmétique a pour objectif d’unifier le pays par rapport aux unités de mesure et par rapport à la manière de compter. Le but de l’histoire et de la géographie sont tout aussi évidents, à savoir enseigner la culture républicaine et l’amour de la République. Plus récemment, le développement des filières technologiques et économiques ont eu pour but de mieux préparer les élèves aux nouveaux enjeux nationaux et mondiaux.


                      3- les enjeux sont également pédagogiques
       L’élaboration de la « culture scolaire » est également déterminée par des problématiques purement pédagogiques. Pour être accessible à tous, la « culture scolaire » se doit d’être simplifiée. Tout est présenté sous forme de leçons, de résumés qui doivent permettre d’apprentissage.
       La principale conséquence de cette simplification est le caractère dogmatique de certains contenus, notamment la physique, la chimie ou bien les mathématiques. En littérature ou en art, les oeuvres présentées ne représentent qu’une partie du savoir qui devrait être enseigné. Toute une conception de l’inégalité découle de ce constat car les élèves de milieux modestes ont rarement la possibilité de prolonger le cours qui a été dispensé alors que les élèves dont les parents ont un fort capital culturel peuvent dépasser les résumés proposés en cours.

                       4- Les autres enjeux de la « culture scolaire »
       Les enjeux de la « culture scolaire » ne sont pas seulement déterminés par la culture en elle-même mais également par un ensemble de schémas et d’imaginaires sociaux qui sont propagés par l’école. C’est ce que les sociologues appellent le « curriculum caché. »
       Parmi les intellectuels ayant étudié ce « curriculum caché », on peut citer Michel Foucault ou encore Michel Verret. Selon Foucault, dans son ouvrage Surveiller et punir (1976) l’école reproduit le schéma de la prison, tout comme les autres institutions modernes. Pour Verret, l’école met en place une distribution du temps et une rationalisation qui appelle au mode de vie général de la société. Pour lui, l’école apprend à l’élève la rationalité économique qu’il devra utiliser plus tard.
       Le « curriculum caché » exalte une certaine conception de la division du travail et de la concurrence fondée sur la réussite individuelle. L’école prépare ainsi les élèves à la concurrence future au sein de la société tout en légitimant le système et en développant une vision méritocratique de ce système.

         II- L’explication des inégalités à l’école : le mécanisme du tri scolaire et les théories historiques
                A) Les deux modèles théoriques
        Les années 1960 et 1980 ont vu les sociologues tenter d’englober toutes les problématiques et les données des inégalités tout en les expliquant. On a distingué deux modèles distincts (celui de Pierre Bourdieu et celui de Raymond Boudon). Les deux grandes théories sont d’accord sur le fait que les inégalités se maintiennent à l’école mais elle ne sont pas d’accord sur les mécanismes de ce maintien.
        On distingue alors : 
   ° Les sociologues « conflictualistes » : Ils estiment que l’école elle-même a un rôle inégalisateur et ils lient ce rôle à la domination conflictuelle des classes. Au sein de groupe, on distingue deux sous-groupes. 
                                                                   Il y a ceux qui identifient l’école à un appareil idéologique de la classe dominante et assimilent les divisions scolaires en lien direct avec les divisions sociales, on appelle cette théorie la théorie de la « correspondance » (exemple : Establet et Baudelot et leur ouvrage L’Ecole capitaliste en France (1971)
                                                                   Et puis, il y a ceux qui considèrent l’école comme une transfiguration d’inégalités préexistantes et qui les prolonge. On attribue cette théorie pour l’essentiel à Pierre Bourdieu et Jean-Luc Passeron. On appelle cette théorie la théorie du « leurre ».

   ° Les sociologues « externalistes » : Ils innocentent l’école en attribuant aux inégalités des causes externes et ils lient ces causes l’existence de groupes sociaux sous la forme d’une stratification. Au sein de ce groupe, on distingue deux sous-groupes.
                                                               Il y a ceux qui assimilent les inégalités à des cultures particulières au sein des familles (culture de l’effort, goût de la réussite, manque d’ambition ou culture de la facilité). On peut citer l’exemple de Bernard Lahire parmi ces sociologues avec son ouvrage La raison des plus faibles (1993).
                                                               Et puis il y a ceux qui considèrent les individus comme des êtres rationnels capables de faire des calculs coûts / avantages pour décider ce qu’ils veulent faire.

         Ces deux sous-groupes correspondent à un clivage entre les sociologues « de droite » (prédominance de l’individu, culture de l’effort) et les sociologues « de gauche » (vision marxiste de classes sociales avec une classe dominante qui diffuse la culture de l’élite à travers l’école).
         Cependant, il convient de dépasser les clivages de ces différents modèles pour atteindre un résultats intelligible.

                     1- Exemple du modèle conflictualiste : La domination et la reproduction chez Bourdieu et Passeron
         Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron analysent le lien entre les résultats scolaires et l’origine sociale. Leur méthode d’analyse est le holisme sociologique ; ils étudient la société pour comprendre l’individu. On distingue trois idées principales qui découlent de leur théorie : 
   ° D’emblée, les deux sociologues opposent la « culture scolaire » de la culture familiale et observent que la culture familiale des familles modestes ne correspond pas à cette « culture scolaire ». Ainsi, l’école transforme les inégalités sociales en inégalités scolaires qui devienne légitimées. Il en découle que les différentes cultures des familles ne sont pas aussi rentables les unes que les autres ce qui provoque l’inégalité. Pour caractériser cela, Bourdieu et Passeront utilisent l’idée d’ « inégalité distante. »
   ° Qui plus est, la sélection scolaire ne se fait pas seulement par rapport à des savoirs sacrés ou profanes mais aussi par rapport à un processus pédagogique et individuel. Les enseignants normalisent les inégalités psychologiquement en disant d’un élève de milieu modeste qu’il a « mal travaillé » alors que parfois, c’est parce que sa culture est trop éloignée de la « culture scolaire » qu’il échoue et qu’il n’arrive pas à s’adapter.
   ° Ainsi, c’est la réunion de ces deux idées (sélection et légitimation de la sélection) qui provoque la reproduction sociale et la reproduction des inégalités. Malgré les évolutions positives de l’école en terme de démocratisation, cette institution semble encore très rigide. Pierre Bourdieu critique la démocratisation de l’école et de l’université à travers deux phénomènes. Il y a un phénomène temporel (les diplômes ne sont pas aussi prestigieux qu’avant) et surtout un phénomène structurel (à diplôme égal, ce sont les jeunes de milieu aisés qui réussissent mieux car ils ont plus de capital social comme les relations et les réseaux).

                     2- Exemple du modèle externaliste : la « théorie externaliste » de Raymond Boudon
         A l’opposé de Pierre Bourdieu, Raymond Boudon a une approche individualiste. Il se positionne au niveau des individus pour comprendre leur choix et comment la société se reproduit. Boudon distingue la distribution scolaire et la distribution sociale. Pour lui, la distribution scolaire n’est pas inégale ; chacun peut accéder au niveau scolaire qu’il souhaite s’il s’en donne les moyens. Par contre, il considère que la distribution sociale échappe à l’action individuelle. L’analyse de Raymond Boudon se fait en deux temps : d’abord celui de la distribution scolaire puis celui de la distribution sociale.
   ° En ce qui concerne la distribution scolaire, Boudon estime que les individus sont des êtres purement rationnels qui orientent leurs comportement par rapport à des calculs coûts / avantages. Il n’y a donc pas de raisons que les individus de milieux aisés réussissent mieux que les autres car tout dépend de la volonté des individus de milieux défavorisés et des risques qu’ils prennent. Raymond Boudon prend tout de même en compte ces risques supplémentaires que doivent prendre les individus de milieux modestes pour réussir.
   ° Pour ce qui est de la distribution sociale, Raymond Boudon considère, tout comme Pierre Bourdieu, que celle-ci reste profondément inégalitaire par rapport au niveau d’études. Le paradoxe d’Anderson (idée qu’à un niveau d’études supérieur à leurs parents, les jeunes n’occupent pas des positions sociales plus élevées) est également expliqué par les différences en capital social.                     

                B) Les critiques internes de ces deux modèles
                      1- Le rôle des acteurs est à nuancer tant chez Boudon que chez Bourdieu
         En ce qui concerne le rôle des acteurs dans leur destinée sociale, les thèses de Pierre Bourdieu et de Raymond Boudon ne sont pas figées et sont elles-mêmes nuances.
         Du côté de Raymond Boudon, l’acteur fait un calcul coûts / avantages mais il reste dans un environnement économique et social précis tandis que du côté de Pierre Bourdieu, malgré son habitus de classe, l’acteur peut réfléchir à sa situation et réussir (ou essayer au moins) de changer sa trajectoire sociale.      
  
                       2- Des nuances à apporter sur l’idée de reproduction scolaire et sociale
         En ce qui concerne la reproduction scolaire et sociale, il y a aussi des éléments qui permettent de nuancer les deux thèses principales.
         Pour ce qui est de la reproduction scolaire, elle est toujours aussi forte au fil des années. Cependant, cette rigidité de l’appareil scolaire peut être considérée comme une forme d’autonomie par rapport à la logique du marché. Pour autant, la culture enseignée à l’école reste celle de l’élite intellectuelle française.
          Pour ce qui est de la reproduction sociale, il ne faut pas lier trop rapidement le maintien des écarts culturels entre les classes et l’adéquation des individus à la structure sociale. Effectivement, les acteurs raisonnent par rapport à leurs intérêts sauf que leurs actions n’amènent pas toujours à ce qu’ils souhaitent, sans que ce soit la faute d’écarts culturels.

                C) Les applications contemporaines de ces modèles
         Toutes les études sociologiques récentes ont confirmé cette tendance à la reproduction des inégalités au sein des sociétés de classe. Ainsi, les thèses de Bourdieu et de Boudon sont vérifiées. Il apparaît que la mobilité sociale reste globalement une mobilité proche, que la mobilité sociale nette reste très faible et que l’immobilité sociale domine.


         III- Les stratégies familiales face à l’école : les parents et l’école
          Selon l’historien Philippe Ariès, l’enfant n’existait auparavant qu’à travers l’héritage qui allait lui être donné. L’enfant n’existait pas par lui-même et sa future position sociale était préservée par l’héritage qui lui était transmis. Avec l’apparition de l’institution scolaire, l’enfant ne peut plus compter uniquement sur ses parents, il doit aussi faire ses preuves à l’école. Les parents vont donc tout pour que l’école permette à leur enfant de préserver leur position sociale, ou même la dépasser.
         On distingue deux périodes, la première où la reproduction sociale se fait à l’intérieur de la famille et où l’école sert seulement à augmenter son capital et une autre, la période actuelle, où l’enfant se reproduit à travers l’école et doit y faire ses preuves. Pierre Bourdieu évoque cette lutte dans La Noblesse d’Etat (1989) tout en rappelant que la reproduction sociale se fait aussi par l’intermédiaire des capitaux des parents qui aident l’enfant à l’école.

                     A) Les familles aisées utilisent l’école dans une but de reproduction sociale
         Pour mieux comprendre les stratégies mises en places par les familles, il faut comprendre ce que l’on entend par « stratégie ». Une stratégie, c’est d’abord la connaissance des mises en place de la stratégie (présence de capitaux ou non) ainsi que la mise en place même de ces capitaux par les familles. Plus il y a de capitaux, plus l’espérance des choix devient importante et moins il y a de capitaux, moins l’espérance des choix est importante. Il faut bien espérer sur la notion « d’espérance » qui exclut l’idée d’un déterminisme absolu et qui fait référence aux représentations que se font les familles des possibilités de réussite à travers les différentes institutions pour leurs enfants.

                       1- Les stratégies de conversion : les stratégies des familles disposant du plus de capitaux
         Ce sont les familles qui ont le plus de capitaux qui encourent le plus de risques à l’école. En effet, elles ont une pression énorme pour réussir à transformer leur capital culturel et économique en capital scolaire certifié et permettre leur reproduction sociale. Aucune famille n’est à l’abri d’un « ratage » et notamment les famille à très fort capital économique qui ne peuvent assurer pleinement un avenir à leur enfant sans capital scolaire. 
         En ce qui concernent les familles à fort capital économique, Monique et Michel Pinçon-Charlot attribuent dans leur ouvrage Dans les beaux quartiers (1989), à ces familles la fréquentation de pensionnats privés très prestigieux et très coûteux pour obtenir le capital scolaire souhaité.
         Pour ce qui est des familles à fort capital culturel, les stratégies sont moins aristocrates et privilégiées. Ces stratégies reposent sur une connaissance fine du marché scolaire et des formations rares mais pas forcément inaccessibles pour les autres milieux. Leur déploiement ambitieux réside ainsi dans leur quasi-parfaite connaissance du marché scolaire. Ils s’opposent à ceux qui n’ont pas assez de capital culturel et économique pour pouvoir prendre des risques sans être sûrs du résultat. 

                        2- Les stratégies de reconversion : les stratégies des familles donc les capitaux ne sont plus en adéquation avec les capitaux demandés par l’institution scolaire
         Les familles en question sont globalement les familles de petits entrepreneurs et de paysans dans les années 1950, 1960 et même aujourd’hui. Ces familles ont certes un capital économique mais ce capital ne vaut pas grand chose à l’école et il faut se reconvertir pour réussir à obtenir les meilleurs capitaux scolaires.
         Dans ces milieux-là, les parents utilisent tout le capital économique possible pour garantir aux enfants un capital scolaire élevé mais le résultat est bien moins fort que pour les enfants de parents avec un fort capital économique.  

                        3- Les stratégies de conservation et d’amélioration : les stratégies des familles de classes moyennes salariés
          Ces familles ont un faible capital économique. Leur seul atout est la connaissance (en partie) du marché scolaire. Ce sont ces familles qui mettent souvent leur enfant au collège privé (en plus des familles aristocratiques) en espérant que leurs enfants réussissent mieux. La recherche du « bon collège » et du « bon lycée » sont des éléments primordiaux pour ces familles, qui, à partir du supérieur, n’ont plus suffisamment de capital culturel pour connaître parfaitement le marché scolaire.
                

               B) Les familles de milieux populaires face à l’école : la vision de l’école des familles populaires
                                a) Le principe de réalité
          En sociologie, il n’existe pas de principe de réalité comme en psychologie car on ne peut affirmer que toutes les personnes ont le même principe de réalité. Il sera étudié ici le principe de réalité du point de vue des familles populaires. le principe de réalité des familles populaires se fondent sur 3 grands principes : 
    * Les familles de milieux populaires n’investissent pas dans les pédagogie comme les autres familles car l’investissement dans la pédagogie a une coût et que les familles de milieux populaires veulent être certaines que ce coût est rentable à l’avance. Or, ces familles ne voient pas toujours les bienfaits de la pédagogie à l’école de manière visible (elles se demandent parfois l’utilité de l’art ou bien de la musique dans le futur métier).A ce propos, Erving Goffman parle de « fabrication » selon les familles populaires. Pour ces familles, un travail  « bien fait » correspond à un travail qui a une utilité dans le monde du travail car elles mettent toujours en adéquation le monde de l’école et celui du travail, ce qui les incite à considérer que certaines choses à l’école sont inutiles pour eux.
     * Aussi, ces familles raisonnent en terme d’efficacité par rapport à ce qui leur semble être le plus important (lire, écrire) et de densité (dose de travail importante qui n’est parfois pas nécessaire). Cette culture du travail et de l’effort correspond à la culture de parents souvent ouvriers qui valorisent la force et la quantité de travail, chose que ne demande pas toujours l’école. Cette conception de l’école est opposée à celle des enseignants qui voient l’institution scolaire comme le moyen d’apprendre des choses aussi par plaisir et gratuitement (sorties scolaires, voyages).
      * Enfin, les familles populaires associent à l’école une compétence morale par rapport à la « bonne éducation » et jugent parfois les enseignants laxistes. C’est surtout le cas des familles qui ont des difficultés à avoir autorité sur leurs propres enfants. 
  
                                b) Le principe d’ambivalence
          Le principe de réalité renvoyait à une logique autonome de la part des milieux populaires alors que le principe d’ambivalence fait référence à l’hétéronomie des dominés. La culture de ces dominées est toujours comprise entre l’acceptation, le rejet ou un entre-deux.

          Ce principe est le plus difficile à déterminer car il change sensiblement selon les familles populaires et leurs aspirations entre confiance et méfiance.

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