samedi 18 janvier 2014

La culture chez Antonio Gramsci


Biographie d'Antonio Gramsci
     Antonio Gramsci (1891-1937) est un théoricien politique italien d'origine albanaise. Sa vie est toujours associée aux célèbres Cahiers de prison qui a connu un grand succès dans le monde intellectuel et universitaire. Même si Gramsci a été un grand théoricien, c'était avant tout un homme d'action (il a dirigé le parti communiste italien de 1924 à 1926). Il avait déjà beaucoup écrit avant son arrestation mais il consacre sa vie à l'écriture lors de son emprisonnement.
     Antonio Gramsci, contrairement à Durkheim ou Weber n'est pas un universitaire (il n'a même pas de licence). Ses Cahiers de prison sont autant un projet politique qu'intellectuel. Sa pensée est indissociable de son action militante et des contextes successifs de l'Italie dans la première moitié du XXème siècle. 

                * Les origines : Antonu su Gobbu
       Gramsci ne se considère "d'aucune race" mais a un profond sentiment d'identité italienne. Il naît dans une petite ville de Sardaigne mais son père est tout de même bureaucrate. Tout bascule en 1897 où son père est licencié pour malversations et est emprisonné de 1898 à 1904. Désormais, Antonio vit avec avec sa mère et ses six frères et soeurs. Toute sa vie sera marquée par cette misère noire er par l'abnégation de sa mère pour faire survivre ses enfants.
       La jeunesse de Gramsci est caractérisée par des souffrances physiques dues à des malformations de la colonne vertébrale. On le surnomme "Antonio su Gobbu", c'est-à-dire "Antonio le bossu".
       Antonio Gramsci est fortement marquée par les évènements qui se déroulent en Sardaigne pendant la jeunesse. De nombreuse rébellions se font contre l'Etat central italien car le protectionnisme profite surtout au Nord du pays alors que le Mezzogiorno est très agricole et en retard économiquement. La première action militante de Gramsci a été régionale avant de s'étendre au niveau national. 

                * Une jeunesse turinoise
                        ° Le journaliste et le militant
       Antonio Gramsci adhère au PSI (Partito socialista italiano) en 1912, affilié à la Deuxième Internationale avec Benito Mussolini. Il se joint à lui pour soutenir la participation de l'Italie à la Première Guerre mondiale. Il se justifie en disant qu'il refuse la "neutralité". Pour lui :"L'indifférence est le poids mort de l'histoire. Elle agit passivement mais elle agit. Elle se fait fatalité." 
       Il devient ensuite journaliste au Grido del popolo e à Avanti ! Gramsci n'aime pas la "pensée désintéressée" et ne trouve de stimulation intellectuelle que dans l'action et la confrontation d'idées. Il regrettera ses articles en tant que journaliste.
       La révolution russe de 1917 radicalise la position de Gramsci. Il profite des évènements russes pour contredire les thèses de Marx selon lequel le capitalisme doit être très développé pour être renversé. Il met notamment en garde la Deuxième Internationale contre la prépondérance accordée à l'économie qui n'a pas lieu d'être pour lui. 
        Sa critique de l'importance du facteur économique dans la révolution socialiste se dédouble d'idées très volontaristes empruntées à la "philosophie de l'action" de Giovanni Gentile. On le prend parfois pour un "bergsoniste".  

                        ° L'Ordine nuovo
        Les années 1917-18-19 marquent de fortes insurrections comme à Turin. C'est le début du biennio rosso (deux années rouges) en 1919. Beaucoup d'Italiens pensent à la possibilité d'une révolution alors que les dirigeants finissent par soutenir le fascisme pour éviter que l'Italie devienne communiste. 
         Les forces de gauche sont très divisées entre le PSI qui hésite à intervenir, la CGL (Confederazione Generale del Lavoro) qui est réformiste et les adhérents turinois (comme Gramsci) qui croient en la révolution. Ce sont surtout les travailleurs et les ouvriers qui croient en une possible révolution sur le modèle russe.  
         Gramsci, avec Togliatti et Terracini prennent le contrôle du journal L'Ordine Nuovo en 1919 et proclament dans un article s'appelant "Démocratie ouvrière" que l'Etat socialiste existe déjà et qu'il faut rassembler les forces pour accéder au pouvoir. 
          L'Ordine nuovo devient la publication emblématique du biennio rosso. On y traite de démocratie ouvrière et de culture prolétarienne. C'est un journal d'inspiration marxiste et lié à des personnalités comme Giovanni Gentile ou encore Henri Barbusse. 
          Tout se calme peu à peu. Les élites industrielles finissent par reprendre le pouvoir dès avril 1920. 

                * L'homme du parti
          L'Ordine nuovo constate l'échec du conseillisme turinois mais veulent poursuivre le mouvement communiste. Antonio Gramsci souhaite la création d'un parti soutenant vraiment les ouvriers contrairement au PSI. Le PCI (partito comunista italiano) est crée en 1921 au congrès de Livourne.
           La montée du fascisme oblige Gramsci et le PCI à s'allier avec le PSI sous les demandes de Lénine et de la Troisième Internationale. On parle de "liquidationnisme" pour qualifier la perte des idées révolutionnaires au PCI. L'arrivée au pouvoir de Mussolini provoque la clandestinité du PCI et de l'Ordine Nuovo alors que les fascistes rallient beaucoup d'ouvriers de leur côté. 
            Le PCI existe difficilement. Armadeo Bordiga y est expulsé en 1924 et Gramsci n'a fait qu'une seule allocution au Parlement. Gramsci et le PCI ont beaucoup sous-estimé le fascisme en y voyant d'abord un groupe seulement bourgeois puis pensant que les fascistes allaient rester peu de temps au pouvoir. 
             Gramsci ne voit que l'incarnation des bourgeois dans le fascisme et n'envisage pas d'alliance avec le PSI pour faire un front antifasciste alors que le Front Populaire se formera en France. 
        
                 * La prison et les Cahiers
            Antonio Gramsci est emprisonné le 8 novembre 1926 alors qu'il allait défendre les libertés le 9 novembre. Beaucoup lui ont conseillé de partir en Suisse mais il a voulu défendre la liberté jusqu'au bout. Il est condamné à 20 ans de prison en 1928. Mussolini aurait dit sur lui :"Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant 20 ans." Son emprisonnement le bouge à la solitude et le résigne à écrire plutôt qu'agir.
            Gramsci décide de faire des études désintéressées sans renoncer à la politique et à la révolution. Les conditions d'écriture sont très difficiles en prison. Il est obligé de se souvenir des écrits de Marx par coeur et d'écrire à travers des périphrases (comme le marxisme qui devient la "philosophie de la praxis").
             Les Cahiers de prison se composent de nombreux fragments de la pensée de Gramsci sans forcément aller au fond des idées. Ils sont formés par de nombreuses subdivisions avec de nombreux sujets différents. Antonio Gramsci a écrit en prison malgré la censure, les douleurs physiques et les conditions difficiles. On retrouve cette citation dans une lettre écrite à sa mère :"Je n'ai jamais voulu compromettre mes convictions, pour lesquelles je suis prêt à donner ma vie et pas seulement à être mis en prison."
   
                 

         La culture chez Antonio Gramsci 
                 * La culture selon Gramsci
              Gramsci était un commentateur passionné de littérature (Pirandello, Dante, Balzac). Il était déjà critique théâtral du journal Avanti ! en 1916. Pour lui, la culture est l'antithèse d'un système, autrement dit d'un "système de valeurs". L'anthropologie et l'histoire en tant que paradigme pour expliquer la culture sont d'une cohérence artificielle quand elles sont étudiées "en vase clos" car il n'y a pas de rapprochement entre politique et culture. 
              Pour Antonio Gramsci, la culture est une succession de pratiques quotidiennes. Elle devient une certaine manière de vivre et de penser sa propre action et le monde environnant. Pour lui, chaque homme influence la culture car chacun a sa propre vision des choses.
               Selon lui, culture et intellectualisme sont opposés car l'intellectualisme engendre des illuminés qui se croient plus cultivés alors que chacun peut être philosophe. Pour Gramsci :"La culture est une chose bien différente. Elle est organisation, discipline du véritable moi intérieur ; elle est prise de possession de sa propre personnalité, elle est conquête d'une conscience supérieure."
               Pour le philosophe italien, la culture n'est jamais figée. Certaines cultures anciennement hégémoniques (France au 19ème) voient leur influence diminuer. Cette vision très populaire de la culture cache des oppositions qu'il fait entre culture de l'élite et celle du peuple.
               Antonio Gramsci a analysé le rapport entre culture et pouvoir bien avant Bourdieu et Foucault avec la notion d'hégémonie. Le monde de la culture devient alors un lieu privilégié de luttes politiques où le pouvoir se conserve ou se renouvelle. 
                Les questions que se pose Antonio Gramsci sont souvent les suivantes : 
      - Quel est le réseau d'institutions qui étaye la vie culturelle à l'échelle d'une société ?
      - Quel type de relation éducative peut faire oeuvre de transmission dans le domaine de la culture ?
      - Et surtout, quel est le rôle politique des intellectuels ? 

            * Les intellectuels
           ° La place des intellectuels dans la société 
                Gramsci débute par le refus de définir l'intellectuel par rapport au contenu de son activité. Pour lui :"Il n'existe pas d'activité humaine dont on puisse exclure tout à fait l'intervention intellectuelle." Gramsci estime que chaque activité humaine demande au moins un peu de réflexion. S'il est possible de parler d'intellectuels, il n'est pas possible de parler de "non-intellectuels" parce que cela n'existe pas pour lui. 
                L'intellectuel n'est alors pas seulement un "homme qui pense". Pour Gramsci, l'intellectuel ne se fait pas lui-même, c'est la société qui fait l'intellectuel. La principale conséquence est que l'intellectuel est avant tout constitué par son rôle social. Ce rôle consiste en la production et la diffusion du savoir dans la société en opposition à la reproduction purement matérielle des autres membres de la société. 
                En opposition à Marx et Engels dans L'idéologie allemande, Gramsci n'assimile pas les intellectuels parmi la classe bourgeoise. Pour Gramsci, les journalistes, professeurs d'université, hommes politiques ou chefs d'armées sont des intellectuels car ils remplissent une fonction culturelle par-delà le processus immédiat de reproduction matérielle de la société. Il y a différentes strates parmi les intellectuels. 

          ° L'intellectuel organique et l'intellectuel traditionnel 
                Antonio Gramsci se demande si les intellectuels sont un groupe indépendants ou au service des "classes fondamentales" (prolétariat ou bourgeoisie) de la société. Le philosophe italien estime que ne peuvent s'élever au-dessus des évènements historiques qui conditionnent leurs écrits. Il tente de démystifier le postulat de l'indépendance de la pensée pure.
                 Néanmoins Gramsci refuse le matérialisme historique marxiste et notamment le post-marxiste Boukharine selon lequel la vie culturelle n'est qu'un reflet de la vie économique. Antonio Gramsci reprend tout de même l'idée marxiste de la vie intellectuelle en tant que champs de forces sociohistoriques. Les groupes sociaux d'intellectuels ont donc des relations distinctes par rapport aux classes fondamentales avec l'"intellectuel organique" et l'"intellectuel traditionnel".
                 - Intellectuel organique : Type social d'intellectuel crée aux côtés d'une classe émergente de la société (bourgeoise d'abord puis prolétariat ensuite) qui est appelé à jouer un rôle d'organisateur avec la montée de cette classe. La bourgeoisie de la Révolution Industrielle a suscité des intellectuels organiques (techniciens, gestionnaires, avocats) et a balayé l'aristocratie tout au long du 19ème siècle.
                 - Intellectuel traditionnel : Ce sont ceux qui préexistent à la classe sociale montante. Ils voient la classe organique se constituer après eux et suivre leurs pas. 

                 Alors que les intellectuels organiques forment l'élite autour des intellectuels traditionnels, ces intellectuels traditionnels ont un sentiment d'autonomie et d'indépendance. Ils se sentent être l'Etat. Antonio Gramsci ne croit néanmoins pas en leur indépendance.

          ° L'intellectuel dans les luttes politiques 
             Gramsci contredit le rôle de l'intellectuel en tant que penseur indépendant mais lui attribue un nouveau rôle. Pour lui, les intellectuels sont appelés à diffuser une nouvelle conception du monde, à produire une nouvelle culture et à assumer un rôle directeur dans le combat politique. 
                En pensant à l'intellectuel organique prolétarien, le philosophe italien considère qu'il ne faut plus être éloquent et susciter les passions pour stimuler les révoltes mais plutôt se mêler activement à la vie pratique et être un "persuader permanent."
                 l'intellectuel révolutionnaire doit alors agir comme catalyseur pour provoquer l'"homogénéité" chez la classe sociale. Ici, l'intellectuel doit permettre aux prolétaires de passer de la "classe en-soi" à la "classe pour-soi" (référence à Marx). L'intellectuel amenant la révolution est organique pour Gramsci et n'est pas forcément plus cultivé que les autres. Lénine, dans son ouvrage Que faire ? demandait déjà la suppression de la distinction entre ouvriers et intellectuels.   
                 Tout comme chez Mao Zedong, l'intellectuel organique préparant la révolution est à la fois un homme près des prolétaires mais aussi quelqu'un qui est un "persuader permanent" et qui réfléchit avec rapidité face aux évènements. Néanmoins Gramsci proscrit aux intellectuels de mentir car pour lui, la vérité amènera forcément à la révolution.

                         ° L'apologie de "l'intellectuel populaire"
               Gramsci reste tout de même critique par rapport à l'idée que l'intellectuel est nécessairement dans une classe fondamentale. Au contraire, il considère les "intellectuels populaires" comme des intellectuels ayant une portée universelle  et ne s'inscrivant pas dans les rapports de classe. Il cite notamment Diderot, d'Alembert ainsi que Voltaire comme préparateurs des évènements de 1789 en France. 
             Cet "intellectuel populaire" se caractérise par un sentiment fort d'appartenant à un "peuple-nation". Pour Gramsci, on ne peut mener des luttes politiques sans cette avoir cette idée à l'esprit. Selon lui :"L'élément populaire sent mais il ne comprend ou ne sait pas toujours. L'élément intellectuel sait, mais il ne comprend pas toujours, et surtout il ne sent pas toujours." 
               
    
                 * L'éducation chez Gramsci
            ° Une problématique omniprésente 
                 Pour Antonio Gramsci, éducation et intellectuel sont indissociables. L'éducation forme les intellectuels tandis que les intellectuels procèdent à l'éducation des masses qui pourront elles-mêmes s'autoéduquer. Le philosophe italien considère que la transmission révolutionnaire ne peut se faire que par le travail (politique, intellectuel et physique). 
        L'éducation ne concerne pas que l'école pour Gramsci. Il y a aussi les organismes publics et privés, la presse, les syndicats, etc… D'ailleurs, certains organismes éduquent mal pour lui comme le Parlement pour lequel il parle de "fonction éducative négative". 
        Les personnes les plus visés par Gramsci sont les ouvriers. En les éduquant, le philosophe italien considère qu'ils pourront maîtriser intellectuellement les relations sociales qui leur sont défavorables. C'est grâce à cela qu'ils seraient en mesure de développer une conscience sociale critique et révolutionnaire. 
           

° Les querelles de l'école
            En 1923, l'Italie voir s'appliquer une série de réformes à laquelle Gramsci va s'opposer. Pour lui, l'école engendre forcément des souffrances pour l'enfant à travers la discipline physique et de l'esprit. Il considère, contrairement à la réforme de 1923, que le latin doit être très étudié pour pouvoir fusionner théorie et pratique à l'âge adulte.
             Gramsci développe l'idée que les "capitaux culturels" ont distribués de manière inégales (vision proto-bourdieusienne) et préconise de préserver l'enseignement de la culture savante à l'école car les classes populaires n'ont aucun moyen d'y avoir accès sinon. Le penseur italien garde une vision traditionnelle de l'école qu'il considère comme une sorte de moindre mal.
        Pour Gramsci, l'école peut être démocratisée de deux manières possibles : 
            - Il souhaite l'établissement d'une filière secondaire commune à toute la société (ce qui sera réalisé en France avec l'établissement du "collège unique")
     - Sur le modèle de l'"éducation socialiste", il propose une symbiose entre l'enseignement manuel et l'enseignement intellectuel (Idée déjà présente chez Marx). Gramsci y entrevoit la réification de l'activité de l'esprit en activité intellectuelle pure, c'est-à-dire "l'intellectualisme". Aussi, cela permettrait aux futurs intellectuels de garder à l'esprit ce qu'est la société concrète  

          ° Dialectique du conformisme et de la spontanéité 
            L'éducation est donc un processus social fondamental qui se fait à n'importe quel âge. Les idées de Gramsci sur l'école sont éclatées entre une vision traditionnelle et un idéal de démocratie radical. Pourtant, le philosophe italien nous décrit le passage nécessaire chez chaque homme du conforme social à la spontanéité critique. 
            La première étape chez le jeune est l'acquisition d'un conformisme social pour éradiquer les croyances partagées au sein de sa famille. A terme, le conformisme laisse place à la réflexion critique spontanée qui ne sont jamais que les faces d'une même pièce.
        Cette éducation doit être prise en charge par le parti (PCI) mais ne doit en aucun cas être un endoctrinement car pour Gramsci, c'est la vérité qui permettra d'arriver à une société communiste. L'élaboration d'une conscience révolutionnaire est donc une automédication de la classe ouvrière.           


          * Le journalisme    
                 Dans la perspective gramscienne, toutes les composantes de la vie culturelle (Etat, école, partis, médias) doivent être appréhendées comme formant un réseau d'institutions, dont les parties entretiennent l'un avec l'autre des relations complexes d'interdépendance. 
      Antonio Gramsci, contre l'ère de son temps, insiste sur le fait que les échanges à l'oral diffusent beaucoup mieux les idées plutôt que les nouveaux médias émergents de l'époque (radio, presse). C'est en cela qu'il a toujours été critique par rapport au journalisme et par rapport à son activité même de journaliste de l'Ordine nuovo

° La presse bourgeoise entre domination et pédagogie 
        Antonio Gramsci voit dans la presse d'avant 1922 (La Stampa, Corriere della sera) une certaine volonté d'homogénéisation des points de vues pour éviter les révoltes des classes dominées. Ainsi, cette presse créait déjà une "opinion publique".
          Pour le philosophe italien :"L'opinion publique est le contenu politique de la volonté publique qui pourrait être discordante : c'est pour cela qu'il existe une lutte pour le monopole des organes de l'opinion publique." Gramsci voit dans l'opinion publique les couches dominantes projeter leurs perspectives sociales particulières avec un discours en apparence démocratique. 
      Pour Gramsci :"Etant donné l'absence de partis organisés et centralisés en Italie, il est impossible de négliger le rôle des journaux : ceux-ci, regroupés en séries, constituent les partis véritables." Par exemple, le Corriere della sera, dirigé par Luigi Albertini, représentait les intérêts des industriels du Nord ainsi que ceux des propriétaires du Sud après quelques années. 
      Le philosophie italien reconnait au Corriere della sera une certaine qualité que n'avaient pas les journaux de la Troisième République en France. Ce journal avait autant un rôle éducatif direct avec les lecteurs qu'indirect avec l'atmosphère intellectuelle qu'il faisait régner. 

° Le "journalisme intégral"
        Antonio Gramsci rêve d'une presse communiste d'autant plus que tous les journaux appartiennent aux bourgeois qui diffusent l'idéologie libérale dominante. Gramsci imagine ces journaux d'une certaine manière, avec des "monographies", des "biographies politico-intellectuelles" ou encore des lexicaux.
                  La tâche est d'autant plus difficile que le lectorat visé par Gramsci, principalement ouvrier, n'est même pas allé au lycée. Le philosophe italien avait de grandes ambitions pour une possible presse communiste, qualifiant son projet de "journalisme intégral" qui serait à la fois militant, pédagogique, politique et culturel. 
              Il écrit que :"Le journalisme intégral n'entend pas seulement satisfaire les besoins d'une certaine catégorie de son public, mais souhaite créer et développer ces besoins et par conséquent provoquer, en un certain sens, son public et progressivement l'étendre." 
        Mais en réalité, la raison d'être de la presse communiste n'est pas un quelconque plan éducatif élitaire; mais justement le projet révolutionnaire porté par la classe ouvrière exploitée. 
        Le "journalisme intégral" gramscien propose ainsi une dialectique qui voit l'organe de presse émaner d'aspirations réelles inscrites dans une certaine organisation sociale, puis développer ces besoins et en provoquer de nouveaux, avant de réagir lui-même à ces évolutions neuves du côté de la "base", et ainsi de suite.  

                                  

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